Arno est parti rejoindre les étoiles après 100 années de vie sur Terre. Actif jusqu’au bout du chemin, Arno Stern nous a permis de voir et de découvrir un potentiel humain dont personnellement, je n’avais même jamais imaginé l’existence auparavant : la mémoire organique et l’expression de celle-ci au travers d’un Tracé naturel, spontané et universel qu’il a nommé la Formulation pour la différencier du dessin qui veut dire « désigner, montrer ».
C’était il y a vingt ans, le mot organique désignait pour moi tout au plus un légume cultivé sans pesticide. C’est lors d’une formation de Gestalt-enfant que j’entendis parler pour la première fois d’Arno Stern. J’étais à l’époque céramiste et animatrice pour enfants et adolescents au sein des ateliers de la rue Voot. Je créais également mes propres projets pour des écoles.
Très touchée par le désarroi de nombreux enfants au sein de mes ateliers, et également témoin d’une tragédie familiale, je recherchais à l’époque comment aider et soutenir les enfants en difficultés. Quand j’écoutai pour la première fois Arno Stern lors de l’unique conférence qu’il donna à Bruxelles, je réalisai qu’il apportait quelque chose de tout à fait nouveau, de complètement distinct de l’art, la psychologie ou la pédagogie.
En octobre 2004, je me rendis à Paris au premier étage de la rue Castellane pour y découvrir cet espace insolite dénommé « le Closlieu ». Rencontrer un jeune homme de 80 ans, plus actif que la plupart d’entre nous, sans lunettes, sans appareil auditif, était déjà convaincant des effets régénérateurs de ce lieu insolite et de ce jeu unique…
L’expérience du Closlieu d’Arno Stern a bousculé tout ce que je pensais savoir sur l’art et l’éducation ! Je commençais doucement à me désillusionner de ce que « l’art » pourrait « sauver l’humanité ». Je fréquentais des enfants déjà saturés d’informations, en manque de jeux, d’écoute, de légèreté et d’intimité. J’observais les dégâts d’un système éducatif obnubilé par la fréquentation des musées, par l’idée même que l’art s’ensemence par le passé des œuvres et non par la simplicité de la Présence à soi, à la Vie.
Après ces 4 journées passées dans ce lieu aussi magique que bouleversant, j’ai continué mes interventions artistiques dans les écoles. C’était difficile, voire impossible d’installer un Closlieu dans les écoles dans lesquelles je travaillais ; cependant un changement de regard et d’attitude s’opéra en moi.
La carte blanche et la confiance que me donna l’A.S.B.L. MUS-E me permirent d'expérimenter des ateliers sans finalité d’exposition. Ce qui me dégagea d’une pression de « réussite » afin d’être d’abord dans la rencontre et ensuite à l’élaboration du projet au fil des séances avec la dynamique et le consentement des principaux acteurs : les enfants et leur professeur. Inspirée par le rôle du « praticien-servant », je me suis mise au service des enfants. Lorsqu’un enfant me demandait mon avis sur sa peinture, je lui demandais simplement s'il était bien installé. Je me souviens dans une classe de 1er secondaire, d’un enfant mal à l’aise, car encore très maladroit dans son tracé. Il m’appelait très souvent pour me demander comment dessiner telle ou telle chose. Chaque fois, je déviais son attente du résultat, en allant par exemple lui changer son pot d’eau. En fin d’année au moment de l’évaluation, il fut le premier à nous partager combien il a aimé peindre et s’est senti bien dans cet atelier.
Je continuai mon chemin vers le monde invisible des Sons, des rêves, j’avais même oublié celui du Closlieu. Quand en 2013, j’eus l’opportunité d’avoir et de créer mon propre espace, comme une graine qui a enfin trouvé l’environnement pour germer, mon premier objectif fut d’y ouvrir un espace pour le jeu de peindre. Almapola était né !
Je pensais de prime abord que mes 20 années d’expérience d’artiste-intervenante et mes quatre jours d’initiation au jeu de peindre en 2004 étaient largement suffisants pour ouvrir un atelier du jeu de peindre. Quand je me rendis compte que je n’arrivais absolument pas à expliquer ce qui est spécifique et unique au jeu de peindre. J’acceptai avec humilité de m’inscrire à nouveau à une formation de 10 jours pour devenir praticienne-servante du jeu de peindre. Bienheureuse fut cette décision ! Je réalisai que je n’avais qu’entrevu les découvertes de cet homme humble, intègre, courageux, rigoureux d’une intelligence rare basée sur l’observation et l’expérience vécue et non par la construction ou la répétition de schémas intellectualisés.
Merci Arno pour ton immense patience et ta rigueur. Merci infiniment d’avoir insisté et continué à nous répété avec humilité et sans véhémence, l’importance de tes découvertes, qu’elles dépassent largement la pratique du jeu de peindre. Car celles-ci ne sont ni culturelle, ni temporelle, elles nous concernent tous, elles relèvent de notre humanité et nous montrent autant notre capacité naturelle et spontanée à la croissance, au bonheur, à l’extase que nos manières banales de les détruire de façon systématique.
Je vous invite à prendre une heure de votre temps, à faire le vide de tout ce que vous connaissez déjà, afin de vous ouvrir à ce potentiel qui est en vous en visionnant la conférence qu’Arno a donnée à la Sorbonne en 2019.
Arno a utilisé des mots pour faire comprendre à notre mental embrumé ce que pouvait être cette Trace. Personnellement, ce jeu, nous déshabillant de nos conditionnements culturelles, nous approche de cette énergie mystérieuse d’où nous venons tous, qui s’organise puis retourne un jour vers la Voie éternelle…
"La voie qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel " Lao Tzu, Dao De Jing traduction de Stanislas Julien
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